Le musée Robert Tatin cherche des artistes en herbe pour s'agrandir.
Cette proposition fait suite à une visite au Musée Robert Tatin sur le lieu-dit La Frénouse à Cossé-le-Vivien, en Mayenne et à des interrogations inhérentes à la fréquentation des lieux culturels et des œuvres :
- Comment rendre compte d'une visite d'exposition ?
- comment mettre en mots et en formes ce qui a été dit, vu et vécu sur place ?
- Comment s'approprier une visite de musée afin de rendre compte du travail d'un artiste ?
- Comment permettre aux élèves de construire un retour réflexif sur leurs pratiques et leurs découvertes artistiques ?
Le large éventail des pratiques de l'artiste et des émotions ressenties des élèves dans ce type de circonstance amène à trouver un moyen d'élargir la proposition plus qu'à cibler quelques critères plastiques ou sémantiques. Le site et la spécificité de l’œuvre s'y prêtent par ailleurs. Le musée est largement ouvert sur la campagne environnante ; il est plus question d'une promenade ponctuée de temps forts où les tours et les détours sont toujours possibles . Robert Tatin a été tour à tour architecte, peintre, céramiste, créateur de vêtements, sculpteur et grand voyageur.
Lors de la sortie, quelques élèves par groupe ont eu à prendre en charge un reportage photographique sur leur visite. L'objectif était de varier les cadrages et les points de vue et d'obliger à avoir une relation spatiale différente avec les œuvres.
- Que nous montrent les images de la sculpture de Robert tatin ?
Chaque élève a eu à préciser trois points sur une image (ce que je vois, ce que je ressens, ce dont je me souviens), ce qui à permis de spécifier le vocabulaire.
L'exploitation en classe des documents a accordé dans un premier temps de l'importance au rappel de l'émotion ; les œuvres de Robert Tatin ne sont pas anodines. Ce sera tel ou tel détail comme l'oiseau sur la langue de la sculpture André Breton ou les Verbes Être et Avoir ("qu'est-ce qu'il vaut mieux déjà ?", dixit un élève). La frustration aussi de ne pas avoir pu toucher ce matériau si particulier qu'est ce ciment peint qu'on en dirait de la pierre .
Les plans larges, les très gros plans et les quelques images photographiques en contre-plongées ont aidé à rappeler l'importance du lieu d'implantation du site, les espaces différents des sculptures et le rôle de la couleur dans l’œuvre...
...Robert Tatin rêvait d'aménager un village de créateur en résidence et voulait que la création se poursuive autour de son œuvre...
Incitation : Le musée Robert Tatin cherche des artistes en herbe pour s'agrandir.
Consignes : Vous vous servirez d'une image photographique réalisée sur place.
Indra, Evan
Nous avons choisi cette image car elle montre bien le musée de Robert Tatin. Nous avons agrandi son musée en travaillant les couleurs et les matières. C'est pour çà qu'il serait fier de notre réalisation car il voulait que d'autres artistes continue son musée. Nous avons continué son art en continuant son style. Les couleurs du ciel sont faites avec de la gouache et des pastels qui mélangés donnent certaines nuances plus claires ou foncées. Nous avons estompé pour ne pas faire les détails mais justes les couleurs de la photographie. Le musée paraît maintenant plus grand.
Elina, Gaspar
Au début, on voulait représenter l’œuvre sur l'image photographique, mais, après, on a fini par mettre l'image dans notre travail. On a utilisé un format recouvert de peinture avec des taches de différentes couleurs. On a ensuite découpé, plié et collé la photographie dans le format. Quand on touche la peinture, elle est rugueuse. Les collages sont plus lisses mais ils donnent un relief, ils sont plus épais. Quand on regarde de loin notre travail, la photographie « rentre » dans la peinture. Les deux se ressemblent. Dès fois, dans le travail de Robert Tatin, on ne sait plus si c'est de la peinture ou de la sculpture. Notre œuvre ressemble à ses sculptures mais nous c'est une peinture.
Lolya, Thomas
Nous avons pris une image représentant des bas-reliefs et nous avons repassé certains contours et certaines lignes au feutre noir pour donner de l'épaisseur. Nous avons aussi ajouté des bandes de papier afin de faire ressortir les courbes et les contours dans l'image
Nos ajouts respectent les formes et dépassent de l'image comme si elles allaient repartir sur une autre sculpture.
Axelle, Ryan
On a voulu donner du relief à la photographie en travaillant une profondeur. On a gardé la colonne du milieu car c'est la forme principale de l'archisculpture. Le papier journal donne du relief à l'image mais on n'a pas eu le temps de terminer le travail avec la couleur. On peut quand même imaginer se promener à l'intérieur du musée car on a vraiment l'impression que le journal fait partie de l'image.
Louëne, Nathan
Notre idée de départ était de coller la photographie d'une œuvre de Tatin au centre d'un grand format de papier , puis avec un tube de gouache, on a tapoté pour rendre la matière rugueuse et rêche qu'il y a dans l'image. On a l'impression que la gouache continue les formes de l'image.
A partir d'un bout de sculpture de Robert Tatin, nous avons recréé une œuvre en continuité. Il semble y avoir la même matière, les mêmes formes... Nous voulions lui rendre hommage.
Lydie, Thomas
Nous avons réalisé ce travail à partir de plâtre, de papiers, et de peinture. Notre travail s'accroche au mur et se confond avec lui. Nous avons fait aussi du relief pour faire comme si le musée de Robert Tatin apparaissait dans la classe. Nous avons agrandi son musée, car il y a du relief et de la profondeur et nous avons l'impression que les personnages sortent du mur de la classe.
Rachel
Au début, on est allé dans le Musée de Robert Tatin. On a fait un reportage photographique de son travail. En classe, j'ai travaillé sur un mur en continuant une image du travail de Robert Tatin. J'ai mis l'image dans un coin de mur. Comme cette image avait des cercles, j'ai pris du papier doré, j'ai dessiné des cercles que j'ai découpé et collé sur le mur. Mon travail est sorti de l'image. En fait, j'ai fait du mur une œuvre d'art comme Robert Tatin.
L'utilisation de l'image photographique comme trace de l’œuvre fut bénéfique à certains égards. C'est un moyen simple, communément utilisé pour capter le monde, qui à l'avantage d'être visible instantanément ; la technologie simplifiant son usage voire son rendu. Son utilisation dans le cadre d'une réalisation plastique paraît dorénavant aller de soi. Mais, elle tient à distance et ne permet pas une proximité qui dans l’œuvre de Robert Tatin s'exprime avec la matière, le toucher, la présence physique du matériau. L'investissement des élèves dans les effets matériques est significatif : papier mâché, colle et plâtre en abondance recouvrent ou prolongent les images choisies. C'est le désir de la patouille qui a sa légitimité mais qui trop souvent ne dépasse pas le cadre du simple plaisir. Est-ce à dire que cette envie n'a pas été satisfaite plus tôt ?
Les limites de l'image organisent le sens, dès lors comment en sortir ? Des procédés différents ont été mis en œuvre pour s'échapper des limites du support : en relief , en hors champ, mais pour aller où ?
Prolonger les formes, les matières, les couleurs représentées dans l'image a été parfois porteur de sens : à la fois plastique au regard de l'image (j'observe et je reproduis par d'autres moyens) et sémantique (si je travaille de cette façon, je vais jusqu'où ? A quel moment je m’arrête ? Mais aussi, ça va où?).
La restitution de cette expérience vécue au musée a mis en évidence les regards qu'ont porté les élèves le jour de la visite. La lecture des bilans par petits groupes a permis de préciser certaines explications sur tel ou tel procédé plastique et d'initier la question de la présentation parfois indispensable pour la compréhension du travail. Sur ce point les réponses ont été plus riches et ont fait prendre conscience de la démarche de l'artiste : « Nos ajouts respectent les formes et dépassent de l'image comme si elles allaient repartir sur une autre sculpture....nous avons l'impression que les personnages sortent du mur de la classe... j'ai fait du mur une œuvre d'art... ». Ces réflexions ont suscité d'autres questions qui permettent des prolongements possibles : un mur artistique, ma maison devient une sculpture, j'habite une œuvre d'art, une ville artistique...
Dans une certaine mesure, l'empathie fut aussi un moteur. Cette sensation de participer à quelque chose de commun, l'agrandissement d'un musée à la mémoire d'un artiste sans contrainte apparente. Ici, c'est aussi une limite au dispositif. La liberté souhaitée dans l'incitation a pu paraître parfois trop forte pour exprimer des choix précis ou du moins porteurs de sens.